Antony Réa: Le combat des muscles – Coach Magazine France

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Avec plus de cent combats disputés sur les cinq continents, Antony Réa est un des pionniers les plus respectés du MMA en France. Son exigence en termes de préparation physique se double d’un intérêt tout aussi pointu en matière de bodybuilding. Portrait d’un guerrier des rings et de la fonte qui pourrait mettre en lumière des affinités insoupçonnées entre les deux disciplines.

Antony Réa: le combat des muscles

Sportif précoce et combattant précurseur, c’est à l’âge de seize ans qu’Antony se lance, au début des années 90, dans le combat libre — qui deviendra plus tard le MMA. On sait moins que, six mois auparavant, il s’était déjà mis à la musculation. Il s’entraîne alors chez lui : « Sur du vieux matériel réadapté par les soins de mon père », précise le champion. Le jeune homme n’a-t-il pas été freiné pour son goût de la fonte à une époque où, dans certaines salles d’arts martiaux, des interdits planaient encore concernant le renforcement musculaire ?

« Mon premier professeur fut Pascal Bernabe, explique Antony, dont le professeur fut Patrick Lombardo, lui-même élève du légendaire Joe Lewis. Et Lewis, dans les années 70, affichait un physique remarquablement bodybuildé lors de ses combats. » Le jeune artiste martial échappa ainsi aux idées reçues liées à la musculation. De plus, la musculature affichée par Joe Lewis correspondait bien à l’impact des premières influences d’Antony.

Paradoxalement, son premier contact avec le monde de la musculation furent les films de Bruce lee. Puis, très vite, ceux de Sylvester Stallone — la série des Rocky —, dans lesquels, de surcroît, on mettait en scène les préparations. « Ainsi cela me semblait logique qu’un combattant exprime sa puissance par son physique » conclut Antony. Pour lui, ceux qui n’étaient pas musclés, « ça ne collait pas. » Mais une autre figure, du bodybuilding cette fois (et pas des moindres), sera une source d’inspiration sidérante et durable dans l’esprit du combattant.

« Pour moi, les combattants qui n’étaient pas musclés, ça ne collait pas ! »

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Après Bruce Lee et Sylvester « Sly » Stallone, Antony Réa découvre Arnold Schwarzenegger dans « Conan le Barbare ». C’est un choc ! « Un coup de massue physique », résume Antony. Suivra, toujours avec Arnold, le film « Commando ». Antony Réa est alors un peu plus âgé. « Cette fois je me suis demandé comment un être humain pouvait avoir de tels bras ! » Mais la portée du choc transcende cette fois le seul goût pour le muscle. Et le champion de nuancer ses sentiments : « Si je pense aux grands noms des arts martiaux, c’est du respect que je ressens. Concernant Arnold, je suis un vrai fan ! » Schwarzenegger est un véritable modèle de réussite pour Antony. « Il se hisse au sommet d’un sport « underground », il faut bien le dire, rebondit sur le cinéma pour être N° 1 au Box Office, et devient finalement gouverneur de l’état le plus peuplé des USA : la Californie. » Pour Antony Réa, le film « Pumping Iron », du reste, demeure encore aujourd’hui un « must » ; un puits d’inspiration sur divers plans.

Si au moment des débuts d’Antony la musculation n’était pas admise dans tous les dojos, force est d’observer qu’elle est omniprésente aujourd’hui. Pour en expliquer la raison, le champion avance deux hypothèses. Ce sont le judo et la lutte qui s’y sont mis les premiers, et leur reconnaissance olympique est peut-être pour quelque chose dans cette prise de conscience. « Et puis dès que les arts martiaux se sont mis au plein contact, ajoute Antony, ils ont rapidement compris que la préparation physique, si elle n’était pas suffisante bien entendu, était pour autant nécessaire. » Et concrètement, qu’apporte-t-elle à notre combattant ?

« C’est de toutes façons un atout physique ; mais il faut dire que j’aime ça… c’est donc sûrement un atout psychologique également » dit Antony. On sait que le MMA comprend trois distances de combat — pieds-poings, lutte au corps à corps, combat au sol. On peut dès lors se demander si la musculation est plus importante pour l’une d’elle. « Pour certains combattants il se peut qu’une des trois distances nécessite une préparation accrue, mais pour moi les trois sont au même niveau. » De fait, Antony Réa met l’accent sur le concentrique, l’excentrique, l’isométrique. La plioémétrie et le gainage ont de plus une grande importance. Barres et disques de fontes, haltères, élastiques, TRX, etc. Rien n’est négligé. Mais pour quel type d’entraînement au juste ?

Il pratiquait au début une musculation traditionnelle, pas forcément adaptée à l’approche des combats. « Une fois, raconte le champion, j’étais visuellement en grande forme. Pourtant une trop rapide congestion musculaire m’a fortement handicapé durant l’affrontement — même si ce jour-là j’ai fort heureusement remporté mon combat. » Ce fut un déclic : il fallait changer d’approche. Les séances se sont alors apparentées au Cross Training. Ce sont Thierry Aussenac, connu dans le monde de la force athlétique et du bodybuilding, et Olivier Bonneau (kinésithérapeute en plus d’être bodybuilder) qui furent, dans les années 2004/2005, ses premiers préparateurs. Aujourd’hui, son entraînement physique se fait en deux temps : une heure de renforcement musculaire et trente minutes de RSA (capacité de réitération de sprint), le tout deux fois par semaine. Quant à la nutrition, c’est en 2011 qu’il prend la décision de se pencher plus sérieusement sur la préparation diététique : « Il fallait concilier la gestion du poids pour les catégories, l’évitement de la congestion musculaire et le gain d’énergie. »

Parallèlement à cette préparation physique, l’intérêt pour le bodybuilding a perduré. « Depuis une vingtaine d’années, je n’ai pas manqué un seul numéro de Flex Magazine ou de Muscle & Fitness ». Les articles techniques l’interpellaient en priorité. Pourquoi ? « Il faut le reconnaître, dit Antony, bien des concepts qui semblent apparaître aujourd’hui ont étés expérimentés de longue date par les bodybuilders ! » Et au passage il a ainsi suivi l’histoire du bodybuilding de compétition. Il admet que sa période préférée fut celle du règne de Dorian Yates. « Un champion discret et un valeureux guerrier : tout ce que j’aime ! »

Et à propos de légendes du muscle, un des grands souvenirs d’Antony Réa reste d’avoir combattu (victorieusement !) devant Sylvester Stallone au Fight Night de St Tropez en 2013. « Et j’ai même pu converser avec Sly », ajoute-t-il fièrement.

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Au final, en se penchant sur les préparations physiques afin de potentialiser ses performances de combattant, Antony a approfondi sa culture du bodybuilding. Un goût pour une discipline qu’il avait déjà dès son plus jeune âge d’artiste martial. Est-ce lié à son histoire personnelle ? Y a-t-il au contraire une forme de parenté entre les deux sports ? Quand on lui pose la question, le champion réfléchit un peu puis déclare : « Les buts sont différents, bien sûr, mais je reste persuadé qu’il y a plus de points communs entre les deux disciplines qu’on ne le croit en général. » Et d’énumérer quelques similitudes : « Il faut choquer le corps, être vigoureux, tenace, il faut sans cesse s’adapter.» Et puis au-delà de ces paramètres, le bodybuilding est l’expression esthétique de la puissance, le MMA l’expression martiale de la puissance. Le combattant Antony Réa en est, quoi qu’il en soit, la charismatique incarnation.