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Une semaine durant, vivez au jour le jour la course de Patrick Guérinet, rédacteur en chef de Coach Magazine, embarqué sur « la course la plus dure du monde », le Marathon des Sables, 227 km en 6 étapes en plein désert marocain en auto-suffisance alimentaire. Première étape.
Premiers pas dans le désert
Une première étape pour prendre la température
6 heures du matin ce dimanche, jour du grand départ du Marathon des Sables. Je dormirais bien encore un peu, mais l’organisation en a décidé autrement, qui a démarré à l’aube le démontage des tentes du bivouac. On se retrouve donc sur notre tapis berbère, en plein soleil, à ranger tout notre paquetage avant de filer à 7h30 précises à côté du départ, dans une zone délimitée par des cordes formant un gigantesque 34, comme 34ème édition du MDS, qu’un hélico vient filmer pour faire de belles images pour les télévisions. Une fois la séquence dans la boîte, nous transhumons tel du bétail docile jusqu’à l’arche de départ, derrière laquelle 32 kilomètres nous attendent. Patrick Bauer, créateur de l’épreuve et grand maître de cérémonie, juché sur le toit de son 4X4, nous l’annonce comme « sans difficulté particulière ». Comprenez par là : des cailloux, du sable, des lignes droites de 5 ou 6 kilomètres, pas un poil d’ombre et un ciel sans nuage, vent de face, 27° degrés sous abri, 35 et plus dans les passages de dunes, à l’abri du vent. Autant dire que si cette première étape est faire pour prendre la température, elle donne le ton : ça va être chaud…
Top départ
8h58. Plus que 2 minutes avant le départ. La sono crache « Highway to Hell » d’ACDC, vachement encourageant. L’enfer serait-il donc juste derrière cette arche gonflable ? L’impatience est à son comble, après une journée d’attente la veille, et quand le top départ retentit, je frémis de plaisir. Evidemment, je ne vous parlerai pas de la course des favoris, le clan El Morabity (Rachid, 6 victoires au compteur, et son jeune frère Mohamed), vu que je n’ai aucune chance de les apercevoir, sauf peut-être le soir dans leur tente… Toute la difficulté d’une telle épreuve tient de la gestion, nous a répété une dernière fois Patrick Bauer avant de nous lâcher. Comprenez par là : pensez qu’après ces 32 kilomètres, il y en aura 32 autres, puis 37 autres, puis 80 autres, puis encore 42, et enfin 6… Autrement dit : ne pas partir au taquet pour courir le 32K de sa vie, et être cramé pour la suite. Ne pas penser sur 1 jour, mais sur 6 jours. En course, en hydratation, en alimentation, en récupération. Habitué des courses de montagne format 35-40 km avec du dénivelé ou tenir le 7 à l’heure est pour moi un exploit, j’essaie d’adopter une vitesse de croisière raisonnable sur ce départ archi-plat et roulant, autour de 8 km/h, et laisse partir devant. De toute façon, avec mes 11,5 kilos sur le dos (matos + pleins d’eau), je ne risque pas de suivre l’allure des plus rapides, qui tourneront à 13 de moyenne sans faiblir.
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Attention, mirage
Le gros problème des lignes droites en plein désert, outre que c’est long comme des lignes droites, c’est que quand tu aperçois un truc au bout, bah c’est encore vachement loin. Et t’as l’impression que ça n’a pas bougé, même 5 kilomètres plus tard. Lorsqu’apparaît à l’horizon le premier Check Point, après 11 kilomètres de caillasse et un petit passage dans les dunes, j’ai l’impression que je viens juste de partir, ou presque. Lorsque je l’atteins, j’ai l’impression d’avoir fait 15 bornes. Bad trip. Entre temps, j’ai eu l’occasion d’expérimenter le sable, le vrai, le mou. Des dunettes, certes, mais quand même. Niveau appuis, c’est pas top, et question moyenne horaire, c’est carrément la cata. Je dois péniblement faire du 3 km/h, en plein soleil, et sans un souffle d’air, vu que les dunes font obstacle. Un petit kilomètre à ce rythme me donne un avant-goût de la journée de demain, et ses 13 km de traversée de l’erg Chebbi. Hummmm…
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C’est encore loin l’arrivée ?
Mais le pire est à venir : après avoir avalé le CP2, au 20 kilomètres, je trottine et marchotte (globalement, ça va à la même allure) jusqu’à apercevoir au loin l’arche d’arrivée. Etonné, j’estime la distance à 2,5 kilomètres (j’ai choisi de ne pas prendre de traqueur d’activité pour ne pas connaître les distances parcourues, et encore moins celles à parcourir), et calcule dans la foulée que d’ici 20 minutes, je franchirai la ligne, quitterai mes chaussures et enfilerai mes tongs. (Le petit selfie, je le prends à ce moment-là, d’où mon sourire.) Sauf que… non. D’abord, parce que l’arche est énorme (ça, je le découvrirai à l’arrivée), donc se voit de très très loin, ensuite parce qu’entre l’endroit où je l’ai aperçue et l’endroit où elle se trouve, l’organisation a eu la bonne idée d’installer (enfin, de faire passer le tracé dans) un bac à sable mou et dunettes de 2 kilomètres dans lequel courir relève de l’exploit. Résultat des courses, mes 2,5 se révèleront être 5 kilomètres et mes 20 minutes… 50. P***** de désert.
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En attendant demain
4h25, je suis plutôt satisfait de mon chrono, même si je ne cours pas pour le temps, mais pour… oui oui, ne riez pas… le plaisir ! Plaisir de l’aventure, convivialité sur le terrain, dépaysement, et goût de l’effort bien entendu, chercher ses limites, éviter de les atteindre, gérer tous ces facteurs. Qui n’a jamais passé une nuit dans le désert, sous la voute étoilée, peut difficilement comprendre le plaisir que l’on prend, lorsque la chaleur s’éteint, et que l’on papote sous la tente avant de s’endormir, sans télé, sans FB, sans Twitter, ivres de fatigue, vers 21 heures. Le MDS est exigeant, mais c’est une aventure à vivre. A l’heure où je termine ce texte, mes pensées reviennent vers l’étape de demain, qui s’annonce terrible avec ce cordon de dunes que nous passerons vers 12-13 heures, en plein cagnard ! 32 kilomètres encore, mais certainement 6 ou 7 heures de course, au vu du rythme de progression dans le sable mou que j’ai pu découvrir aujourd’hui. L’organisation ne s’y est pas trompée, qui vient tout juste d’annoncer que la barrière horaire était rallongée de 30 minutes, portée à 11h30. Tout un programme…
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PS : pour pouvoir vous faire vivre cette aventure au quotidien, les « médias en course », comme on nous appellent, ont accès le soir à une tente spéciale avec code WIFI personnalisé, pour envoyer leurs reportages. Un vrai luxe dont nous n’abusons surtout pas pour prendre des nouvelles du monde. Ni en donner d’ailleurs.