Le sport, stratégie de networking – Coach Magazine France

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© iStock

Pour certains, le sport ne sert pas qu’à entretenir sa forme, il permet aussi de construire son réseau professionnel et de booster sa carrière. Que ce soit sur un green, dans une salle de fitness ou même au sein d’un peloton de cyclistes. Enquête.

Par Thomas Héteau

Le sport, stratégie de networking

Le golf

Si un sport est naturellement associé au « réseautage », c’est évidemment le golf. La petite balle blanche et le business font en effet bon ménage, et ce depuis l’apparition de la discipline il y a plusieurs siècles et la création des premiers clubs. Aujourd’hui encore, l’image du chef d’entreprise prospectant sur le green n’est pas un mythe. La raison ? Le golf reste un sport pratiqué par des personnes issues des catégories socioprofessionnelles supérieures, avec des responsabilités et du pouvoir au sein de l’entreprise. Même si certains responsables entendent démocratiser la pratique, ce côté élitiste de la discipline reste une réalité. Le potentiel en termes de rencontre et de réseau est donc très fort. L’autre explication viendrait de la configuration même d’une partie de golf, comme le souligne Pascal Locatelli, PDG du réseau Bluegreen : « Un 18 trous, c’est entre 3 et 4 heures de jeu. C’est un moment privilégié et propice aux échanges, explique- t-il. Durant tout ce temps, on ne reste pas dans son coin mais on discute avec ses partenaires de jeu. Cela se fait naturellement. On crée des relations et pourquoi pas du business. »

© Alamoureux

Sans oublier que les valeurs du golf peuvent rejoindre celles recherchées dans l’entreprise. « La passion, l’équité, l’esprit de conquête, la vision stratégique… C’est un vrai partage de valeurs. Cela peut créer du lien. » Coach à domicile et propriétaire d’un centre de fitness à Sainte-Maxime (Var), Jérémie Legoupil pratique régulièrement le golf. Avant tout parce qu’il aime ça, mais aussi pour ses affaires. « Je travaille dans la remise en forme, c’est donc assez facile pour moi d’entamer une discussion, mon travail pouvant intéresser les personnes avec qui je joue. J’ai d’ailleurs rencontré certains de mes clients sur le green. » Son conseil ? Changer régulièrement de groupe afin de multiplier les rencontres… et peut-être les opportunités professionnelles.

Le vélo

En l’espace de quelques années seulement, l’image du vélo a profondément évolué : d’un sport populaire, il s’est mué en une pratique ultra-tendance. Pour certains, ce serait même devenu le nouveau golf des businessmen en quête de networking. De plus en plus de chefs d’entreprise délaisseraient en effet les terrains de golf au profit des sorties sur deux roues pour étendre leur réseau et parler business.

Exit les tractations sur le green, place désormais aux négociations en peloton. Aux États-Unis, la pratique est largement répandue, en particulier chez les jeunes cadres de la Silicon Valley davantage attirés par les grands espaces et l’effort physique que par les swings. Le phénomène est arrivé en Europe via les forces vives de la City, à Londres. Dans un article paru dans l’hebdomadaire britannique The Economist, Jean- Jacques Lorraine, fondateur- directeur du cabinet d’architecture Morrow + Lorraine, explique même que « 75 % de sa charge de travail, soit environ 45 projets, proviennent directement ou indirectement des contacts créés à vélo. »

Il serait selon lui plus facile de briser les barrières hiérarchiques conventionnelles lors de longues sorties que pendant une partie de golf. En France aussi, la tendance se dessine. Fondateur de Be-Poles, un studio dédié à la représentation graphique des marques, Antoine Ricardou a quant à lui l’occasion de rouler au sein du Club Paris Deauville, l’association de cyclistes et de chefs d’entreprise où l’on peut croiser certains patrons du CAC 40. Très vite, il s’est demandé si tout cela pouvait être bénéfique pour ses affaires ? Sa réponse est sans équivoque : « Clairement, il y a des connexions business qui se font. Parfois même des deals importants. » Au-delà du simple fait de créer du lien social, le vélo, grâce à sa configuration, serait selon lui propice aux échanges. « On roule tous ensemble, côte à côte pendant 4 heures, et en dehors de certains passages difficiles, on est à l’aise pour discuter. »

La salle de sport

Une petite discussion entre deux séries de développés couchés ou sur le vélo, quelques échanges à l’issue d’une séance RPM ou d’un circuit training… Certaines salles de sport peuvent elles aussi s’avérer de très bons lieux pour réseauter. En tout cas celles plutôt positionnées premium et haut de gamme. « Même dans le sauna, on parle. Et on parle de quoi ? De business, lâche Patrick Rizzo, fondateur des clubs l’Usine. Quand on souffre ensemble, quand on transpire ensemble, ça casse des barrières. Pour moi, ce sont des lieux qui créent une certaine proximité, et donc propices à ce genre d’échanges. »

© Teddy Bob

L’Usine est aujourd’hui présente à Paris, Bruxelles et Genève. En fonction du lieu, le club attire des personnes issues de la mode, de la finance, de la politique… «C’est un élément essentiel du club, poursuit le responsable. Beaucoup de gens se sont rencontrés ici et ont fait du business à cette occasion. Je connais des avocats qui se sont associés suite à une rencontre au club, des traders qui ont rejoint des compagnies de Bourse privées comme BlackRock, certains ont été débauchés et ont changé de travail grâce à l’Usine. C’est du vrai networking ! » Certes, à 1 800 euros l’abonnement annuel, cette salle de sport n’est pas à la portée de tous. Pour certains, s’inscrire ici s’apparente donc à un véritable investissement dont l’objectif est d’étoffer leur réseau et de booster leur carrière. Certains adhérents feraient même payer leur abonnement par leur société, la salle faisant partie du travail comme lieu de prospection ! « Je sais que des architectes se sont inscrits à l’Usine parce qu’ils savent qu’ils peuvent rencontrer les bonnes personnes. Certains se sont construit une clientèle ici. Ils viennent évidemment pour faire du sport, mais aussi si possible pour construire leur réseau. »

Et ça, Paul Voillemin l’a bien compris. En 2014, ce jeune entrepreneur crée son concept de networking sportif Chaud Patate. L’idée ? Proposer des sessions de sport au sein des espaces de coworking et des incubateurs de start-up pour, d’abord, se défouler, mais aussi pour échanger sur un projet professionnel et développer du business. « C’est parce qu’on partage des moments un peu particuliers lors d’une séance de sport qu’on favorise ensuite la discussion, explique-t-il. Petit à petit, nous avons remplacé les simples présentations de projets par du “win to win : what I need to win”. Pendant l’exercice, les participants expriment un besoin, une difficulté, et ceux qui peuvent apportent leur aide. Cela crée du lien. » Le start-upeur décline aujourd’hui son concept au sein d’une véritable salle de sport baptisée Fitobiz (voir encadré), dont le système d’animation et de construction des séances favorise les échanges. On n’y vient pas uniquement pour faire du sport mais aussi pour potentiellement rencontrer la personne avec qui on pourrait collaborer. « Dans le sport, on ne peut pas se cacher derrière un masque comme c’est souvent le cas au travail. On révèle sa personnalité, ces “soft skills” qui sont très recherchés en ce moment par les recruteurs. » Là encore, le sport est vu comme brise-glace et facilitateur de networking.

Le squash

Si cela peut paraître un peu moins évident, le squash fait aussi partie de ces pratiques permettant d’étoffer son réseau professionnel. Tout simplement parce qu’en 45 minutes seulement une partie peut être bouclée. Idéal pour tous ceux qui n’ont pas de temps à perdre. D’autant qu’à la différence du tennis, les cours de squash se situent souvent au cœur des villes, à proximité des centres d’affaires et des entreprises. Cela tient aussi peut-être à ses origines britanniques, un pays culturellement plus enclin à mêler sport et business. De nombreux clubs de squash jouent d’ailleurs à fond cet esprit « so british », avec bar et club house incitant à échanger d’une manière plus informelle – et autour d’une bière – avec son adversaire à l’issue du match.

C’est le cas par exemple de la Société sportive du jeu de paume et de racquets, située dans le 16e arrondissement de Paris. Un lieu exceptionnel créé en 1908 et fréquenté aujourd’hui par des avocats, des hommes d’affaires, des salariés de grands groupes, des entrepreneurs et des étudiants des grandes écoles. « Les bons contacts, le réseau, le relationnel… Indirectement, je pense que c’est une des raisons de s’inscrire ici, avoue Johan Westerholm, vice-président de l’association. Le sport et la compétition restent des éléments clés ; évidemment, on vient pour transpirer, mais le côté social est aussi très important. On prend un verre après son match, on discute, on tisse des liens. C’est un lieu de rencontre. » Le responsable se souvient encore d’une jeune femme venue de Bretagne pour rejoindre l’équipe féminine de squash. Suite à une heureuse rencontre au club, elle est entrée comme stagiaire dans un cabinet d’avocats international où elle a finalement été embauchée. « Le sport est une passion qui permet de créer une relation différente. Une rencontre professionnelle ou un contrat peut se conclure au cours d’une discussion après un match. Et le squash se prête bien à ça. »

Quelques lieux sportifs pour « réseauter »

A Paris et en région parisienne

  • L’hippodrome de Longchamp

Située en lisière du bois de Boulogne, la piste cyclable de Longchamp offre une boucle de 3,6 km autour de l’hippodrome. Haut lieu du cyclisme parisien, on peut y croiser des hommes d’affaires, des personnalités des médias et même d’anciens coureurs pros du Tour de France ! Faites d’une pierre deux coups et multipliez vos chances de rencontrer les bonnes personnes en tentant quelques swings sur le practice du golf du Bois de Boulogne situé juste à côté de la piste cyclable, directement sur l’Hippodrome de Longchamp. golfduboisdeboulogne.fr

Après Opéra et Beaubourg, les clubs de sport haut de gamme L’Usine ont ouvert leur troisième salle parisienne en plein cœur de la gare Saint-Lazare. Quelque 2 000 m2 installés sur deux niveaux avec plateaux de musculation, espaces cardio et training fonctionnel mais aussi un espace coworking et une mezzanine très chic pour approfondir si besoin la discussion. usinesportsclub.com

Polo, escrime, golf, équitation, natation et même karaté, tout est possible – ou presque – au Polo de Paris. Fondé à la fin du XIXe siècle, ce club privé ultra-sélect attire l’élite française. Il compte parmi ses membres des dirigeants de grandes entreprises comme Bernard Arnault, des personnalités politiques, des diplomates et des avocats. polodeparis.com

En province

  • Salle de sport Fitobiz, Lille

« Le club de sport pour booster ta vitalité et ton activité professionnelle ! » Voilà la promesse de ce nouveau concept lancé par Paul Voillemin. Pour cela, les séances se font en petits groupes (12 personnes) et proposent une méthode unique d’animation avec des interactions entre les membres. Actuellement en phase de test à Lille, Fitobiz devrait se déployer prochainement dans toute la France avec des ouvertures de salles prévues à Bordeaux et à Toulouse. fitobiz.com

  • Golf Bluegreen Sainte-Maxime

Entre mer, garrigue et forêt de chênes-lièges, le parcours, plutôt technique, déploie ses 18 trous sur 65 hectares vallonnés dominant la Côte d’Azur et l’arrière-pays varois. sainte-maxime.bluegreen.com/fr

Créé en 2016, ce réseau se présente comme « le lieu de connexion entre différents acteurs de la filière sport ». Sportifs, clubs, équipementiers, médias, start-up… les professionnels de l’industrie du sport de la région lyonnaise s’y retrouvent pour échanger et partager à travers des afterworks mais aussi des sessions sportives (sorties running, golf…). sportconnectlyon.com